mardi 30 mars 2010

L'horloge astronomique de la Cathédrale de Strasbourg


Au moyen âge, les instruments
: clepsydres, sabliers, cadrans solaires, ne mesuraient qu’une portion de temps, sans tenir compte de sa continuité.

Vers la fin du XIIème siècle, se produisit une révolution technique avec l’invention de l’horloge mécanique qui allait, au temps clérical incertain, substituer un temps laïc, rationalisé.

Les villes dotèrent un de leurs édifices publics ou religieux, d’une horloge monumentale et Strasbourg fut parmi les premières à donner l’exemple en créant de 1352 à 1354 l’horloge des Trois Rois.

Le buffet de l’instrument d’une douzaine de mètres, fut dressé contre le mur ouest du bras sud du transept. L’édifice comportait de bas en haut :
- un calendrier
- un astrolabe
- une statue de la vierge à l’enfant devant laquelle, toutes les heures, les rois mages venaient s’incliner, pendant qu’un carillon jouait différentes mélodies et qu’un coq chantait en battant des ailes.

Cet automate, le plus ancien qui soit conservé, est aujourd’hui exposé au Musée des arts décoratifs de la ville.

Au XVIème siècle, lorsque l’horloge des Trois Rois cessa de fonctionner, on songea d’abord à le restaurer. On installa alors un cadran qui devait montrer la marche du soleil et de la lune à travers le zodiaque, au moyen d’aiguilles actionnées depuis l’horloge.

La ville, devenue protestante, en 1547, décida de remplacer le vieil instrument trop délabré par une nouvelle horloge qui fut mise en chantier vis-à-vis de l’ancien emplacement.

C’est Charles Herlin, astronome et professeur qui s’adjoignit ,le médecin Michel Herr et le théologien Nicolas Prugner pour faire l’étude du projet. Pendant que l’horloger commençait son travail, l’architecte Bernard Nonnenmacher entreprenait la construction du buffet en pierre avec son escalier à vis. Mais en 1548, les travaux furent interrompus quand l’église redevint catholique amenant le Magistrat protestant à se désintéresser de tout ce qui concernait l’édifice.

En 1571, Conrad Dasypodius, disciple de Herlin reprit l’ouvrage interrompu avec l’aide de David Wolkenstein, des frères Josias et d’Isaac Habrecht. Ces derniers furent chargés de construire les mécanismes. Il fit appel au peintre Tobias Stimmer qui se chargea de peindre certains indicateurs astronomiques tel le globe terrestre et de décorer l’ensemble du buffet. Quant au buffet en pierre lui-même, son achèvement revint tout naturellement à Hans >Thommas Uhlberger, architecte de l’œuvre Notre-Dame de 1565 à 1608.

Après la réforme grégorienne de 1582, la conception du calendrier élaboré d’après le système Julien, hérité des Romains, fut dépassée, puis l’usure affecta les rouages en fer forgé. L’horloge s’arrêta complètement en 1788.

…Un jour que le suisse de la Cathédrale, après avoir présenté à des visiteurs l’horloge immobile et muette, concluait que personne ne pourrait plus jamais la remettre en marche.

Un garçon lui lança : « Eh bien! Moi, je la ferai marcher! ». Il s’agissait du jeune Jean Baptiste Schwilgué (1776 - 1856) qui allait consacrer son existence à acquérir en autodidacte toutes les connaissances nécessaires à une telle entreprise.

Formant quelques ouvriers susceptibles de l’aider, il se mit à construire les machines facilitant la confection des pièces de l’horloge. Parmi elles, une machine à sculpter le bois qui permettait d’ébaucher les automates d’après des maquettes en plâtre.

Bien qu’il aurait préféré construire une horloge entièrement neuve, dans un buffet vitré qui lui aurait permis de faire admirer le mécanisme, la ville préféra, devant les coûts élevés, lui demander de ne renouveler que les différentes fonctions de l’ancien instrument.

C’est à cette sage décision que nous devons d’avoir conservé le buffet qui est un chef-d’œuvre de la Renaissance et qui abrite une réalisation exemplaire de la science et de la technique du XIXème siècle.

Les sculptures héraldiques :

Elles proclament la part qu’eurent à la réalisation de l’horloge, en tant que promoteurs la Ville et l’œuvre de Notre Dame, institution chargée de l’entretien de la cathédrale.

Les armoiries de Strasbourg sont présentées par deux lions : l’un tenant le heaume, l’autre l’écu


- Au dernier niveau du corps central, un lion supporte les armes de l’œuvre et un griffon, celles de son architecte, Ulhberger

Les sculptures du couronnement :

L’architecte est représenté tout au sommet, sous la forme d’une statuette qui le montre tenant un compas et un écu avec sa marque de maître.

Ce couronnement abrité à l’origine un carillon, comporte les figures d’une harpiste et d’une luthiste incarnant la musique. Derrière, cachées, une flûtiste et une violiste. Ces quatre musiciennes portent en bandoulière des écus aux armes des administrateurs et du receveur de l’œuvre qui, en 1571 avaient signé le contrat avec Habrecht.

C’est en 1842, que les trois évangélistes qui se dressent au-dessus de l’entablement, ont été complétés par le quatrième, saint Mathieu. Leur position fut modifiée pour faire place, au centre, à la statue du prophète Isaïe, annonciateur de Dieu.

Le linteau de porte
de l’escalier montre un enfant endormi près d’un sablier, la main posée sur une tête de mort.

Ce relief de 1547, constitue une Vanité qui illustre le thème de la brièveté de la vie et de la fuite du temps.

Les peintures :

Ce vaste et complexe programme de peintures était destiné à évoquer le temps sous les autres aspects : cosmologique, historique ou théologique en insistant sur la fin inéluctable de l’homme et de l’humanité.

C’est Tobias Stimmer qui se chargea de l’exécution de ce programme.
Le décor de l’horloge astronomique demeure aujourd’hui son œuvre peinte, la plus importante

- les quatre empires
: l’Assyrie, la Perse, la Grèce et Rome étaient symbolisées par quatre bêtes surgies de la mer qui figurent sur les boucliers des quatre rois. Ceci, représente le temps historique.
- La Création, inaugure une série de 6 peintures retraçant le temps biblique. Elle est évoquée par Eve, tirée de la côte d’Adam par Dieu, qui selon une tradition protestante, n’est pas représenté mais nommé au centre d’un halo de lumière.

- Le Jugement Dernier, illustré par trois scènes :
* L’avènement triomphal du Christ juge inspiré de l’Apocalypse. Au pied du trône, on voit les quatre animaux ailés et l’agneau mystique et de part et d’autre, le diable et la mort enchaînés. Autour, les vingt-quatre vieillards tiennent les harpes et des coupes d’encens.

* La résurrection des morts

* Le Jugement non montré sous sa forme apocalyptique pour rappeler qu’il est aussi une réalité individuelle. La scène oppose la fin de deux hommes attendus par la mort. A gauche, le croyant assisté par trois femmes : la Foi, la Charité et l’Espérance. A droite, l’impie ligoté par un démon, est dominé par « Dame Monde » figure incarnant toutes les séductions terrestres.

- La Chute et le Salut, incarnés par deux figures allégoriques qui résument l’histoire du salut qui se déroule entre l’origine et la fin des temps. Cette représentation inspirée par la théologie luthérienne de la justification par la grâce, oppose la Loi, le Péché et la Mort à la Foi dans la Rédemption qui accueille la parole de l’Evangile et se trouve régénérée par l’Esprit Saint.

- L’église et l’Antéchrist, sont représentés par la femme de l’Apocalypse, revêtue de soleil dont le nouveau-né est enlevé au ciel, et par le dragon à sept têtes qui voulait dévorer l’enfant. Allusion aux persécutions et aux troubles dont l’église était victime.

- Les quatre saisons qui décrivent le temps cyclique de l’année, personnifient en même temps, à travers les quatre âges,le temps irréversible de l’existence humaine. On distingue :

* l’hiver : la Vieillesse et la Mort avec son sablier, la nuit, la terre et le tempérament mélancoliquement

* l’automne : la maturité, le soir, l’eau et le tempérament flegmatique.

* Le printemps : l’enfance, l’aube, l’air et le sanguin.

* L’été : la jeunesse, le midi, le feu et le colérique.

- Les parques décident de la destinée individuelle. Lachésis dévide la quenouille. Clotho guide le fil de l’existence que la vieille Atropos s’apprête à couper.

- Des hommages
sont rendus aux hommes, aux arts et aux sciences qui ont concouru à la création de l’horloge :

* l’astronomie représentée par sa muse : URANIE dont les deux ailes : l’arithmétique et la géométrie permettent l’envol. Hommage à Copernic qui a inspiré Dasypodius, le savant est debout avec un brin de muguet rappelant qu’il est aussi médecin.

* l’auteur Schwilgué est représenté sous le portrait de Copernic.

* un dernier panneau représente les emblèmes des savants, artistes et artisans qui ont participé à l’ouvrage. Ils surmontent les figures d’un putto aveugle en portant un autre paralytique. Une façon de souligner la complémentarité des métiers qui ont collaboré à l’œuvre.

LA MESURE DU TEMPS ET LES INDICATIONS
ASTRONOMIQUES


- L’heure :

Est donnée par un cadran sur lequel des aiguilles blanches marquent l’heure officielle. Les aiguilles dorées retardant d’une trentaine de minutes les premières indiquent l’heure moyenne locale d’après laquelle sont réglés les sonneries et les automates.

* le premier coup des quarts est frappé par un angelot
* le second, par l’un des quatre âge : l’enfant, l’adolescent, l’adulte et le vieillard. Ceux-ci passent devant la mort qui sonnent les heures sans jamais s’arrêter alors que les Ages, à l’instar des hommes, respectent le repos nocturne.
Après la sonnerie de l’heure, le second angelot retourne le sablier.

- La sonnerie de midi
Est suivie par le défilé des apôtres devant le Christ qu’ils saluent et qui bénit la foule après le passage du dernier d’entre eux.

Pendant le défile, le coq se met à chanter par trois fois. Cet animal emblématique de la mesure du temps est aussi un rappel du reniement de Saint Pierre, symbole de la fragilité des hommes.

- Le calendrier :

* Les jours
sont signalés par leurs divinités tutélaires installées sur des chars que traînent les animaux qu’elles ont pour attribut. Se succèdent du dimanche au samedi :

- Apollon, Diane, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne. Ce dernier représenté en train de dévorer l’un de ses enfants. C’est aussi un symbole du temps qui détruit ce qu’il produit.

La division du jour astronomique est rappelée par le face à face d’Apollon et de Diane qui incarnent respectivement la journée et la nuit. La flèche d’Apollon désigne sur le calendrier, le jour courant.

* L’année est décrite par un calendrier perpétuel, en forme d’anneau.

* Le comput ecclésiastique effectue dans la nuit du 31 décembre les calculs qui permettent de fixer le calendrier de la nouvelle année. Il indique : son millésime, sa place dans le cycle solaire (période de 28ans au terme de laquelle les jours retombent sur les mêmes dates), son rang dans le cycle lunaire ou nombre d’or (période de 19 ans au bout de laquelle les phases de la lune se produisent aux mêmes jours) ainsi que celui de l’indiction romaine (cycle de 15 ans utilisé dans les documents pontificaux), les lettres dominicales, les épactes (nombre de jours qui séparent la dernière nouvelle lune du ler janvier) et la date de Pâques.

- Les indications astronomiques :


* Le globe céleste reproduit le mouvement de la sphère étoilée autour de la terre supposée immobile en son centre.

Il comporte plus de 5000 étoiles et tourne en un jour sidéral. Celui-ci correspond à l’intervalle entre 2 passages d’une même étoile au méridien qui est d’environ 4 minutes plus court que le jour solaire moyen. Le temps sidéral se lit sur un cadran annulaire fixé sur la sphère.

En dessous de celle-ci, un rouage reproduit la giration imperceptible de l’axe de la terre qui s’accomplit en 25806 ans.

* Le temps apparent ou temps solaire vrai
est défini par la durée entre deux passages du soleil au méridien. Sur le cadran, deux aiguilles indiquent la marche apparente du soleil et de la lune autour de l’hémisphère nord placé au centre.

Elles reproduisent aussi les éclipses et la longueur de l’aiguille varie automatiquement en fonction de la lune, représentée par une petite boule qui, en tournant sur elle-même, décrit les phases lunaires. Sur le même cadran, deux autres aiguilles marquent l’heure du lever et du coucher du soleil.

* Le planétaire marque la gravitation des six planètes visibles à l’œil nu : Mercure, Vénus, la Terre accompagnée de la Lune, Mars, Jupiter, Saturne, autour du soleil central. Les signes du zodiaque tracés sur le pourtour, permettent de savoir dans quelles constellations se trouvent les planètes.

* Le globe lunaire moitié noirci, moitié doré, montre les phases réelles de la lune en effectuant sa rotation en un mois de 29 jours et 55 minutes.




La rénovation de 1838 fit de l’horloge astronomique, d’un point de vue technique, une pièce unique au monde, grâce au génie de Schwilgué que Camille Flammarion comparait à Copernic ou Galilée..

Elle m’a éblouie, je suis restée subjuguée devant l’immense talent d’un groupe d’hommes.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Après la mer, les fleuves et l'intérieur des terres ...
Je pense que tu devrais te lancer dans l'écriture de guides touristiques.

Anonyme a dit…

Bon, je retente ma chance.
Je disais donc qu'après la navigation sur l'eau salée, tu t'essaies à la navigation en eau douce sur les grands fleuves d'Europe. C'est une façon de découvrir la France, voire même l'Europe profonde qui est extrêmement intéressante; et puis, c'est tellement bien écrit ...

Amitiés,

Jacques & Marcelle

Fleur de Sel a dit…

jackie :

Merci Jacques et Marcelle, mais j'ai aussi fait une fort belle balade sur le canal de Briare. Superbe promenade de Briare à Nevers et retour. J'ai pu voir, outre les villes et les villages et leurs monuments mais aussi, les spécialités locales et des hérons et des biches.
Bon, il faudra que je raconte car j'ai des souvenirs meerveilleux.

Anonyme a dit…

je n'ai pas encore tout lu,j'ai commencé par Tahiti évidemment cela m'a vraiment donné envie d'aller voir par moi même l'eau limpide ,la raie tous les magnifiques coquillages et bien sur les requins !!! J'aimerais avoir au tour du cou le collier de fleurs et m’enivrer de cette multitude d'odeurs .Donc merci le voyage virtuel est réussi.